J. Krishnamurti, penseur à contre-courant des idé es reç ues de son é poque, n'hé sita pas, dè s 1948, à jeter un regard lucide sur des institutions telles que le mariage ou le cé libat des moines. Pour lui, le noeud de toute socié té tient d'abord dans la relation qu'é tablissent les hommes entre eux au niveau le plus é lé mentaire: celui du couple. Ce qui pose la question des rapports de domination, du rô le de l'amour et du sexe dans la relation.
Le sexe, loin d'è tre diabolisé , est soumis à une observation approfondie: il ne s'agit pas de nier la pulsion sexuelle, mais d'é viter que l'assouvissement d'un besoin naturel ne tourne à un rapport de domination ou à une obsession. Le sexe mé rite sa place dans notre vie, mais seul l'amour lui permet de s'exprimer de faç on pleine et entiè re.
L'amour est dé fini à partir de ce qu'il n'est pas. Il n'est pas l'attachement, la dé pendance affective, le dé sir. Il n'est pas non plus un moyen de combler sa solitude. L'amour n'est pas non plus le mariage, qui n'est rien moins qu'un contrat social. L'amour suppose la responsabilité entre ceux qui s'aiment, qu'il s'agisse du conjoint ou du partenaire amoureux, des enfants, du voisin, de la nation et, finalement, de la socié té entiè re, dont chaque homme est responsable.
Le problè me de la chasteté concerne d'abord ceux qui, dans le cadre d'une religion, ont fait voeu d'abstinence sexuelle. Krishnamurti analyse les ravages causé s par le refoulement sexuel. Faire ou ne pas faire l'amour ne devrait pas è tre une question de contrainte mais de contexte. Si l'amour est pré sent, l'une ou l'autre attitude cessent d'è tre un problè me. L'essentiel est d'observer simplement les faits et non une ré alité idé alisé e par la pensé e. Car c'est en dé finitive la pensé e qui est à l'origine de nombreux clivages: clivage entre soi et l'autre, clivages religieux, nationaux, gé né rationnels. Ré aliser que la pensé e est le support des conditionnements auxquels nous sommes soumis nous offre un accè s à la perception directe d'un é tat de fait. Et les questions posé es s'é clairent d'autant mieux que nous leur donnons le temps de faire é cho en nous dans le silence. C'est de ce silence, de cette ' conscience sans choix ' qui ne juge ni ne condamne que jaillit l'amour.